Corridor de la folie
En ce lieu bien nommé du « Corridor de la Folie » tout était prêt, chargé à bloc. Au premier cri plaintif d’une aube fuligineuse, le chaos s’était déchaîné car rien ne manquait. Les destriers fougueux montés de sombres brutes. La piétaille affolée poussée à la cravache, se piétinant elle-même pour échapper au pire. Arc-bouté le destin pouvait advenir. Et tout en haut du mirador dominant le tumulte de sa superbe méprisante le Chef Suprême tout cerné de soudards mercenaires régnait impavide. Aucun hasard n’aurait pu s’immiscer ! Tout s’était conjugué pour en arriver là. En ce point de désordre indescriptible. De folie et d’aveuglement déraisonnable. Le choc se devait d’avoir lieu. Et il aurait lieu. Coûte que coûte, le pire dut-il en découler…
Pourtant le lieu était sublime. Le cirque des montagnes tout crépitant d’orages. La tempête au loin tournoyant en cyclones. Et les lointains brumeux nimbés de nostalgie…
Hier encore tout semblait si paisible. Des bouquetins gambadaient multipliant les cabrioles. Chahutant comme des cancres malicieux à la récré avant de rejoindre les rangs quant le maître siffle la mi-temps. Bien sûr c’était hier. C’était un autre temps. Celui d’avant le déluge ? Quand l’âge d’Or berçait les vastes plaines toutes ondulantes de moissons rêvées ? Quand l’harmonie régnait parmi les chants d’oiseaux et les bourdonnements d’insectes.
On n’en était plus là. Déjà jusqu’aux confins de la plaine submergée ce n’étaient que tas de ruines béantes, débris amoncelés, montagnes de cadavres exsangues, tranchés menus comme chair à pâté, mêlés sans queue ni tête, effroyable vomi d’un bol alimentaire qu’un ivrogne aurait régurgité.
Mais on n’était pas là pour s’esbaudir. Et encore moins pour faire semblant. Il y allait du devenir du monde et d’un ordre nouveau prévalant sur tous les faux-semblants. Le maître était là pour régner ! Braves gens qu’on se le dise ! il lui fallait à tout prix imposer Sa loi en faisant fi de tout le reste : les invalides… les estropiés et les manchots, sans oublier les culs de jatte et autres égarements de la nature. Car si on la laisse faire, elle n’en fait qu’à sa tête. En dépit du bon sens, cela va sans dire…
La bataille faisait rage. Nulle accalmie n’aurait pu ralentir le cycle infernal. En cet instant il fallaitt que ça passe, que ça casse ou que ça dise pourquoi ! On verrait bien ensuite si l’on pouvait réutiliser quelques vestiges. Pour ne pas tout jeter au nom d’un principe de prudence élémentaire. Et puis, sait-on jamais ?
La Vie et le sexe n’étaient pas épargnés. Car « la Vie c’est la Mort »comme disait l’autre dont un prof de philo m’avait rapporté les affirmations. Sujettes à caution ces valeurs sûres ? Mais est-ce bien évident ? Donc partout ce n’étaient que phallus érigés attendant d’être tranchés pour répandre leurs flots de sperme saturés de gamètes vivaces et conquérants. Vulves tendres et béantes prêtes à toutes les compromissions comme à toutes les étreintes. Origine du monde et anéantissement. Le zéro infini, l’alpha et l’oméga.
Donc tout allait y passer. Remise des compteurs à zéro. Départ vers des lendemains qui chantent des chants guerriers et salvateurs ou de plus douces complaintes… ?
Hélas ! Tout cela n’était pas qu’un rêve ou même un de ces cauchemars qui vous laissent au réveil tout pantois et privés de repères. Flottant dans des décombres ! Non ! Il se pourrait même que ce soit ce qui nous attend si, par mégarde, nous partons à la découverte de nous-mêmes suivant les sages conseils des Sages d’entre les Sages : du Bouddha, de Socrate et de Lao-Tseu qui nous en ont parlé avant d’aller voir ailleurs pour vérification. Car à bon entendeur…salut !
La Brosse Conge le 1 décembre 2019
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