A propos d’un peintre connu
Suite et fin
Ainsi Soulages a consacré une bonne partie de sa vie à couvrir ses toiles de peinture noire. D’abord parce que ça lui plaisait et qu’il aimait ça. Ce qui était son droit le plus strict. De là à en faire une vocation ou, puisqu’il faut bien vivre, tout simplement son « fond de commerce » il n’y avait qu’un pas, vite franchi au hasard des circonstances et des aléas de la vie.
Mais je caricature en parlant de peinture noire. J’en ignore les raisons mais très vite il a mis de l’eau dans son vin et de la lumière dans son noir. Etait-ce par soucis d’économie ou par élan créatif s’imposant à lui, toujours est-il que ce noir est devenu plus varié et plus subtil. Beaucoup moins semblable à lui-même qu’il semblerait paraître au premier abord. Des nuances, des inégalités, des « défauts de structure » sont apparus. Ce qui lui a permis de se justifier auprès des esthètes et des snobs de tous bords, ceux qui ont besoin e références et de modèles. En gros auprès de tous ceux qu’une absence de créativité spontanée et viscérale empêche de s’exprimer librement et qui cherchent à maîtriser l’art à grand renfort de théories et de concepts aussi gratuits que leur vacuité
Pour Soulages le concept est clair et aurait pu devenir inlassablement répétitif. Il a donc su jouer pour tenter de mettre un peu d’inattendu dans ce qui ne l’était que lourdement convenu. L’ennui est que tout cela reste à un niveau théorique rudimentaire et que n’importe quel barbouilleur plus ou moins doué peut faire du Soulages comme Monsieur Jourdain faisait de la prose involontairement. A cette différence près que quelques-uns en profitent pour se prendre pour des artistes. Ce qui est très naïf.
Mais au fait, pourquoi suis-je en train de vous parler de ce peintre dont la notoriété n’est plus à faire. Serais-je moi-même en train de me justifier en regardant de haut la « démarche » d’un autre qui ne m’intéresse guère. En train de tenter de conforter mon égo en critiquant ce qui a été le domaine d’expression d’un peintre qui se voulait contemporain
Soulages a vécu puis il est mort. La boucle est bouclée et un jour ou l’autre ce sera mon tour. Après avoir joué leur rôle, rempli leur mission les petites marionnettes peuvent aller voir plus loin si elles y sont. Ce qui est tout à fait envisageable à condition de ne pas être trop identifié au personnage que nous avons cru être
Ainsi Soulages a joué le sien. Paix à son âme et à son devenir car, après tout, avait-il enfin trouvé le mot de la fin ?
La Brosse Conge le 19 janvier 2021
Copyright Christian Lepère.
L'un est parti et l'autre reste...
Pour le moment et jusqu'à nouvel ordre !
C'est la ronde incessante de l'impermanence
chère aux Bouddhas actuels
et à venir.