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4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 08:14
"Orgueil de Babel" - huile sur toile - 65 x 54 cm - 2008

"Orgueil de Babel" - huile sur toile - 65 x 54 cm - 2008

               Ce texte a été rédigé en 1999 à l’occasion d’une exposition sur le thème de la tour de Babel. Ses conclusions me paraissant plus que jamais d’actualité je vous le soumets sans y apporter le moindre changement.

 

 

 

LE MYTHE DE BABEL

 

            Aussi vieux que l’humanité, le mythe de la Tour de Babel est essentiel dans l’inconscient collectif. Au même titre que le défi prométhéen dont il est une variante, il est l’illustration parfaite des débordements de la folie humaine perdant tout sens de la mesure. La sagesse universelle, des rives du Gange aux abbayes du Haut Moyen-âge, du Bouddha à Socrate et du Christ à Krishnamurti  n’a cessé d’enseigner quelques vérités essentielles. Pour elle, l’homme est caractérisé par une pathologie particulière, celle de l’obsession de la puissance absolue. Dans une optique religieuse on pourrait dire que la créature de Dieu n’a de cesse qu’elle n’ait égalé son créateur. Il arrive même qu’une sorte d’absolu soit atteint lorsque des penseurs proclament froidement la mort de ce dernier

            Le mythe de Babel est donc à ce titre parfaitement actuel. Il est le modèle et le moteur du monde occidental depuis la Renaissance. C’est en effet à cette époque que la mentalité religieuse est devenue profane et que l’homme s’est attribué deux missions : d’abord étudier les lois de la nature, avec efficacité et sans états d’âme, ensuite pour en tirer parti en favorisant systématiquement l’humanité au détriment de tout le reste. C’est une longue histoire, très progressive mais qui a été en s’accélérant de façon foudroyante durant le 20° siècle.

            Nous sommes maintenant au bout du processus où l’homme « tout puissant » en arrive à jouer avec le matériel génétique, après avoir trouvé le secret de l’annihilation de la matière (ce n’est pas le néant, mais ça y ressemble…). D’Auschwitz à Hiroshima la créature est devenue Dieu, capable d’anéantir la création.

            Pour les peintres présents dans cette exposition, l’enjeu n’est pas aussi grave. Conscients des risques de notre époque et de la folie qui la mène, ils jouent plutôt sur le registre de la dérision et de l’humour. Le discours moral n’étant pas ici de mise, ils préfèrent caricaturer le délire actuel et faire sourire plutôt que pleurer. Cette attitude très actuelle est sans doute plus efficace pour toucher nos contemporains et les inciter à de salutaires réflexions. Mais tout dans cette exposition ne relève pas de la critique. Certaines œuvres sont des constructions audacieuses à la limite du délire, bien faites pour exalter le rêve, tandis que d’autres expriment la mélancolie des ruines d’époques de légende. Enfin certains artistes se sont permis des fantaisies surréalistes où l’absurde et la poésie se conjuguent dans d’étranges compositions délirantes.

            Mais revenons au mythe d’origine. Après avoir bravé le ciel, les hommes y sont punis de façon effrayante. Se mettant à parler des langues incompréhensibles aux autres, ils ne peuvent plus « s’entendre » avec leurs semblables. C’est très précisément ce qui nous arrive à ce jour. Les moyens de communications les plus performants et les plus admirables d’un point de vue technique sont en train de compliquer à plaisir les rapports humains, sous couvert de les rendre plus faciles. Plus on communique et moins on se comprend. Ils réussissent aussi le prodige d’amener un nivelage universel, très visible notamment dans l’enseignement. On égalise, bien sûr, mais par le bas, par le plus petit dénominateur commun.

            On se doute que toute cette évolution était inévitable car, comme disent les braves gens : « on n’arrête pas le progrès ». Sans doute, mais sans être trop pessimiste, on peut penser qu’ils n’y a plus qu’à attendre que les retombées s’autodétruisent pour qu’enfin on revienne au « juste milieu » cher au Bouddha et à Lao-Tseu. Si c’est le prochain épisode de l’aventure humaine, celui qui nous attend sous peu, sans doute vaudrait-il mieux s’y préparer.

                                                                         le Chesnay le 20 octobre 1999

                                                                         Copyright Christian Lepère

 

 

"Orgueil de Babel" - détails

"Orgueil de Babel" - détails

335 - Le mythe de Babel
335 - Le mythe de Babel

Donc

je persiste et signe 

en attendant de savoir qui va diriger

d'une main de fer mais avec la plus grande bienveillance

notre beau pays.

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commentaires

A
beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une découverte et un enchantement.N'hésitez pas à venir visiter mon blog. au plaisir
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