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2 décembre 2014 2 02 /12 /décembre /2014 08:52
"Garage à vélo" - huile sur toile - 46 x 38 cm - 1987

"Garage à vélo" - huile sur toile - 46 x 38 cm - 1987

 

Le long de l’eau

(Suite de « Trafic »)

 

 

Voilà maintenant que je m'engage dans les voies sur berge. Un jour un certain Pompidou, Georges de son prénom, a eu l'idée de faire de ces lieux anciens et plutôt paisibles un parcours express pour traverser Paris. Tranchant dans le vif du sujet il fallait transformer des lieux de flânerie en un réseau utilitaire bien de notre époque. Il fallait à tout prix désengorger le cœur historique où avenues et boulevards ne pouvaient suffire à assurer la fluidité chère à tous ceux qui savent que « Time is money ! » et qu’on n’est pas là pour rigoler.

              Cela avait nourri bien des polémiques et provoqué bien de vaines oppositions. Mais on n'arrête pas le progrès. Donc la modernité triomphante avait gagné la partie. Sur fond de grogne et de rancœur. Mais on s'habitue à tout et les exaltés finissent toujours par se calmer. Ou font semblant. Ou oublient leurs convictions.

              Les conséquences en furent diverses et discutable. Bénéfiques pour les taxis et les gens pressés. Définitives pour les clochards réfugiés sous les ponts qui vont finir par s'expatrier en banlieue ou au cœur des rocades. Si ce n'est le long des accès au périphérique, sous d'autres ponts surplombant le flot des voitures pressées au lieu des eaux de la Seine rafraîchissant à l'occasion les genoux du zouave du pont de l'Alma.

              D'autres y perdirent leur lieu de promenade printanier  ou leur place favorite pour se poster et traquer le goujon d'ailleurs un peu rare et en santé précaire avec la pollution. Enfin place au progrès ! Place aux gens pressés ! Place à l'efficacité prioritaire !

              Comme toujours cette indéniable amélioration a eu des conséquences perverses. Et c'est ainsi que les voies sur berge se sont retrouvées saturées, piégeant des hordes de véhicules dans des bouchons à mobilité réduite atteignant parfois la perfection de l'arrêt à durée indéterminée. Et c'est ainsi qu'on se retrouve coagulés en fuyant l’asphyxie des voies urbaines. Piégés entre la ville trépidante et les eaux grisâtres du fleuve coulant à tout jamais sous le pont Mirabeau cher à Apollinaire.

              Malgré tout les mœurs changent et l'on s'adapte à de nouvelles normes. La loi avec l'aide de radars aussi bienveillants qu'intègres a réussi à ralentir le flux pour le rendre plus fluide.  Maintenant les 50 km sont assez bien respectés. Et ça change bien des choses. C’est ainsi qu’on peut maintenant se laisser glisser le long du long fleuve tranquille en appréciant les vues les plus imprenables sur le cœur de la capitale.

              Après la maison de la radio, ronde et lisse forteresse improbable de métal et de verre déposée la par mégarde comme un monstrueux ovni venu d’on ne sait où. Mais qui se voudrait rationnelle et efficace. Le résultat est malgré tout fascinant par sa démesure et son organisation ubuesque. Enfin la chose est là, massive, énigmatique et depuis longtemps ses usagers ont réussi à s’en accommoder et à en tirer parti. Dans ce gros objet énigmatique où l’on perd ses repères, nos semblables ont réussi à se créer des habitudes, des circuits d’efficacité. Et si bon an mal an cela fonctionne c’est que les ressources humaines d’adaptation sont prodigieuses.

              Un peu plus loin la Tour Eiffel monte la garde. Plus grande que nature c’est avec bienveillance qu’elle domine les alentours, ralliant depuis les confins du monde les cohortes de touristes en quête de lieu de pèlerinage culturel.

              Mais l’on quitte maintenant la Seine, sans cesser de la longer ce qui permet de retrouver quelques feux tricolores facétieux qui vous arrêtent parfois de façon un peu arbitraire. Parce qu’ils sont bêtes et disciplinés. Mais indispensables malgré tout. On le constate quand il y a un dysfonctionnement du à quelque cause imprévue ou incontournable.

 

                                                                                                                                                    A suivre…

 

 

"Le galion" - huile sur toile - 60 x 73 cm - 1987

"Le galion" - huile sur toile - 60 x 73 cm - 1987

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