Visite sans conséquence
Suite et fin
Mais ce matin là, Léon eut une surprise. Comme sa clochette tintinnabulait annonçant l’entrée d’un visiteur il releva son front pensif du nœud de connexions USB qu’il s’efforçait de démêler en repérant les branchements adéquats. Puis opérant un demi-tour sur son fauteuil de coiffeur en dégageant ses jambes qu’il avait un peu courtes pour une taille moyenne mais convenable. Mais là n’est pas notre propos et je soupçonne votre indifférence à l’égard de ces informations qui ont leur importance pour l’intéressé et sans doute moins pour vous, qui ne faites que passer en me lisant.
Jusque là tout allait bien ! Mais quelle ne fût pas sa surprise en voyant entrer la mort en personne. Pourtant elle n’avait pas prévenu, pas pris le moindre rendez-vous. Pourtant elle était là… A quoi la reconnut-il ? Et d’où lui venait cette certitude que c’était bien elle ? Je ne saurais vous le dire mais même des gens simples comme lui vous ont de ces intuitions qui en disent long sur les profondeurs de leur subconscient.
Donc elle entra. Entre deux âges mais encore bien conservée rien ne semblait la distinguer de personnes plus ordinaires. Par ailleurs elle n’était pas dénuée d’un charme ambigu. Pas de sécheresse de la mâchoire ou de maigreur digne des égéries de la haute couture. Non, rien que d’assez banal mais de bon ton. Quand à la vêture, d’une élégance discrète, loin de l’arbitraire de la mode elle n’attirait pas le regard par des outrances qui eussent frôlé la vulgarité.
Bref c’était une personne fréquentable. Après les présentations d’usage où il apprit qu’elle s’appelait Proserpine, ce qui est peu usuel mais ne surprend plus à une époque où l’on puise dans toutes les langues et toutes les cultures pour renouveler le stock de prénoms usuels.
Mais pourquoi venait-elle au fin fond de cette impasse du 11ème et dans quel but, avec quelle idée derrière la tête ? D’abord ils parlèrent de la pluie et du beau temps, puis de chose dont l’actualité paraissait un peu plus brûlante. Macron et les gilets jaunes. Donald Trump et ses lubies. Et puis bien sûr des sujets de fond et enfin de la vie, de la mort et de toutes les complications engendrées par cet état de choses récurrent.
Aimablement la mort lui dévoila toutes les complexités de sa mission. Car si le hasard n’existe pas et si le cours des choses se déroule irrémédiablement, il n’en reste pas moins qu’à notre époque d’hyper complexité ou tout vient tout compliquer, même la mission de la grande faucheuse est difficile à planifier. D’abord il y a les NDE ou expériences de mort imminente ou de malheureux irrécupérables sont ramenés de force à une vie qu’ils ne souhaitent guère prolonger mais se retrouvent entre les mains d’un personnel médical qui n’a qu’une idée fixe : faire redémarrer la machine. Quitte à forcer à survivre cliniquement un corps condamné sans espoir. Ensuite il y a les priorités logiques qui veulent qu’on ne puisse faire disparaître quelqu’un dont la présence est indispensable pour assurer la disparition d’un témoin gênant ou réparer une injustice flagrante.
Et puis il y a les aléas de la conjoncture et l’enchevêtrement des destins. Sept milliards de destins à gérer, ce n’est pas rien…quand tout interagit et qu’en faisant mourir un sérial killer ou va sauver in-extrémis ses victimes potentielles. Il y a de quoi se poser des questions. A moins de se prendre pour le Bon Dieu.
Donc la mort avait ses petits problèmes à résoudre. Ce matin là, un peu désœuvrée et n’ayant pour une fois rien de précis à accomplir elle était entrée comme ça pour voir. Pour tuer le temps a défaut d’autre chose ? Peut-être pour proposer ses services ? Ou mettre un peu de fantaisie dans un emploi du temps surbooké par ailleurs ?
C’est ainsi qu’après avoir passé un moment agréable à papoter avec sa visiteuse, Léon lui avait souhaité « bonne chance et bon courage ! » après lui avoir offert un petit café et quelques friandises. Puis il s’était remis au travail, achevant de démêler son sac de nœuds de connexions USB. Au moins la preuve était faite, pour lui le moment fatal n’était pas arrivé. Ce n’était pas son heure. Et c’est le cœur léger qu’il partit ensuite faire une petite promenade au cimetière tout proche pour y goûter la fraîcheur de l’âme dans un endroit bucolique et peu fréquenté en ce milieu de semaine.
La Brosse Conge le 16 mai 2019
Copyright Christian Lepère
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