Charles Hubert
Suite et fin
Mais au long des couloirs le spectacle se diversifie. L’oreille est aussi sollicitée que l’œil. De lourds flonflons se propagent depuis les profondeurs, bientôt remplacés par la complainte de l’aveugle qui posté dans son angle de mur attend depuis bien longtemps qu’on lui accorde attention. Mais le flot passe, pressé. Chacun se précipite vers son avenir, croisant celui des autres, ignorant les obstacles naturels qu’il contourne chaque matin.
Charles-Hubert se hâte. Après des longueurs de couloirs d’une improbable correspondance le voilà sur le quai. En face un grand escogriffe déambule en cherchant la correspondance. Une grosse mémé postée avec sa carriole attend placide qu’on la contourne. Une petite fille chétive se tortille en tenant la main de son papa. Envie de faire pipi ? Ou besoin de dire ce qu’elle n’ose pas. Ou autre chose d’inexprimable en langage humain ordinaire accessible aux autres ? On ne le saura jamais et d’ailleurs ça n’a aucune importance. Sauf pour elle. Mais la foule attend compacte que la rame arrive et déverse son contenu sur le quai. Avant de charger le suivant.
Enfin Charles-Hubert accède à bord. Bientôt un SDF accablé vient faire la manche, sitôt remplacé par un moustachu à la voix suave susurrant une chanson désuète de Tino Rossi où sa bien-aimée l’attend en se morfondant toute frémissante d’espoir. Petit pincement au cœur…nostalgie, nostalgie…
A chaque station la cargaison humaine se renouvelle. Les portes s’ouvrent libérant ceux qui sont en fin de parcours tandis que d’autres essaient de monter en leur barrant l’issue. Il n’y a plus qu’à tasser le tout et on repart vers de nouvelles destinations.
Enfin c’est la gare St Lazare et son affichage électronique. La foule patiente, debout et déterminée, attend de savoir vers quel quai se précipiter pour bénéficier d’une place assise dans le sens de la marche et pouvoir enfin consulter son smartphone pour ne plus rien ignorer de ce qui se passe dans le vaste monde.
Les stations se succèdent, le paysage se déroule, les banlieues déploient leur multitude d’immeubles cossus, de maisonnettes avec jardinets et d’immeubles de bureaux dressant leur insolence technologique. Le tout ponctué par quelques cimetières. Vastes champs du souvenir encore fleuris de chrysanthèmes que le train surplombe. Sûr de son fait il ne fait que passer. Comme d’habitude. Comme quand tout va bien, qu’il n’y a pas de grève du personnel roulant et qu’aucun désespéré n’a mis fin à ses jours bloquant de malheureux usagers qui ont bien d’autres préoccupations tout aussi légitimes.
Tout le long du parcours défilent les murs tagués à mort, sommés de délivrer des messages vibrants d’amour ou de haine. Remplis d’invectives ou d’affirmations brutales. De sous-entendus réservés aux initiés, de messages codés informant les happy-fews…Le cri est primal, l’exécution capitale et de toute façon les intempéries finiront par tout effacer petit à petit en prenant leur temps. Il n’est que de patienter.
Mais Charles-Hubert a atteint sa destination. Il est de retour chez lui. Un peu de marche à pied et il va pouvoir se délasser dans son confort quotidien. Ouf ça soulage ! Mais voici que son téléphone se met à sonner dans sa poche de blouson…pour lui annoncer quoi ? Il va le savoir sous peu. Bonne ou mauvaise nouvelle ? A moins que tout simplement on ne lui apprenne qu’il doit de toute urgence retourner à Paris où sa présence est souhaitée par Dieu sait qui. Et que dans ce cas c’est reparti pour un grand tour. Réjouissons-nous, de nouvelles aventures l’attendent ! Ce n’est pas aujourd’hui qu’il va risquer de s’ennuyer !
Le Chesnay le 2 décembre 2017
Copyright Christian Lepère
Ainsi Charles-Hubert va repartir
en croisade pour de nouvelles aventures.
Avouez que c'est exaltant
et que son destin
peut attiser
bien des
envies.
à suivre...