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25 avril 2017 2 25 /04 /avril /2017 06:38
"The Jolly Joker" - huile sur toile " 52 x 45 cm - 2006

"The Jolly Joker" - huile sur toile " 52 x 45 cm - 2006

Albert, citoyen intègre

 

 

Albert se sentait tout chose après une bonne nuit passée en son chez-soi. Il venait de s’éveiller à un jour nouveau. Jour de gloire, radieux et plein d’un joyeux soleil. Pourtant son âme était triste. Allez savoir pourquoi…

           Par la grande baie vitrée il voyait le vaste ciel déployer sa splendeur au -dessus des résidences. Au loin la ville, les bois, le parc de Versailles et ses nobles frondaisons. Enfin le Grand Trianon au charme ancien avec ses colonnades roses au parfum suave.

           Sur tout cela et formant couvercle se déployait l’immensité azuréenne d’un ciel limpide pourtant lacéré des traces croisées des jets emportant ses semblables aux quatre coins du monde. Ce n’étaient que balafres rectilignes  se heurtant ou se chevauchant à moins qu’elles ne s’infléchissent en courbes gracieuses préparant un atterrissage soigneusement prévu. Pourtant chaque petit point engendrant une nouvelle ligne tendue vers l’avenir était plein d’humanité, bondé de ses semblables alignés dans leurs sièges low cost ou classe affaire au confort accru. Là-haut dans une coque métallique les isolant de l’inconfort de l’altitude ses semblables, ses frères et sœurs et leur progéniture se laissaient emporter vers leur destin. Qu’ils soient d’Asie, du Nouveau Monde ou de la banlieue lyonnaise, peu importe. Chacun allant où il devait aller. Du moins tant qu’un terroriste fanatique ne tenterait pas de détourner la trajectoire de la puissante machine vers des buts moins louables aux yeux des infidèles que je suis, que vous êtes, que nous sommes. Mais qui ont bien le droit de ne pas être privés de leur devenir légitime.

           Après ces pensées grandioses inspirées par l’état du ciel il s’alla brosser les dents, puis se peignit et se vêtit. C’est qu’il avait son devoir de citoyen à accomplir. Car il lui incombait de voter pour choisir celui ou celle qui allait devenir le chef et le guide de la nation. Ce qui n’est pas peu. Ce qui est même beaucoup car l’enjeu moral est de taille. Comment choisir alors que tous, prêts à tous les sacrifices sont décidés à tout consacrer au bien commun pour faire profiter de leur expérience et de la sagesse de leur réflexion  un vain peuple abusé par la démagogie des autres. De tous les autres, toutes tendances confondues et qui ne songent qu’à vous leurrer en vous abreuvant de bêtises et d’inepties grossières. De contre-vérités opaques assénées comme parole d’évangile.

           Après avoir lu les programmes, soupesé les arguments et séparé le pour et le contre. Après avoir tenté de démêler le vrai du moins vrai et de l’approximatif. Après avoir démasqué les faux-semblants et les invraisemblances et les compromis inévitables, il avait enfin  décidé de choisir. Oui ! Mais pour qui ? Voter à droite ? Voter à gauche ? Au centre ? Ou plus ou moins à la gauche du centre d’une droite tempérée ?  Fallait-il saisir une occasion d’alternance ou ménager la chèvre et le choux à condition qu’ils fussent bio ? Longtemps il avait contemplé les petits candidats, petits mais dignes d’estime bien que leur obscurité, toute relative d’ailleurs, ne les empêchassent pas de profiter de l’aubaine pour monter à la tribune défendre leurs intimes convictions. Il avait donc porté son attention sur les obscurs et les sans-grade, ceux qui s’immiscent tous les cinq ans dans la cour des grands, profitant de l’aubaine démocratique. Il avait même été jusqu’à envisager ceux qui renonçant à toute prétention ne souhaitent pas réussir et vont  se présenter dans leur simplicité foncière. Au moins ceux-là n’ont pas de magouilles derrière les prétentions, pas de stratégie sournoise, pas de plan B. Ils frôlent le lâcher-prise cher aux adeptes du zen et aux sages qui ont tout largué.

           Il s’était donc rendu à la mairie pour déposer son bulletin dans l’urne et participer à la grand-messe. Puis, fier du devoir accompli il avait regagné ses pénates. Une longue journée l’attendait encore. Comment allait-il la consommer ? Cuite à point ou encore moelleuse à cœur ? Allait-il regarder la télé en attendant fébrilement sinon des résultats, du moins des tendances, des approximations, voire des commentaires sur l’abstention ou le vote blanc ? Enfin tout ce qui aide à patienter en se rongeant les ongles dans l’attente fébrile du verdict final. D’ailleurs même celui-ci ne serait que partie remise à l’issue d’un premier tour en préparant un deuxième.

 

                                                          La suite au prochain numéro…

 

"The Jolly Joker" - détails

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338 - Albert, citoyen intègre
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