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12 avril 2016 2 12 /04 /avril /2016 07:14
"Tricyclettes" - Huile sur panneau - 22 x 27 cm - 2003

"Tricyclettes" - Huile sur panneau - 22 x 27 cm - 2003

Patinettes

 

             De ma fenêtre je domine le stade. C'est un espace fort calme quand il n'est pas envahi par les enfants. Or la municipalité dans sa grande mansuétude en a fait un endroit de rassemblement convivial et ludique. C'est là que les pré-ados viennent s'éclater sur les rampes de skateboard qui y ont été installées. Tout est dans les normes et parfaitement réglementaire. On ne rigole pas avec la sécurité. D'ailleurs non loin de là, sur la contre-allée qui conduit au collège tout un alignement de barrières métalliques canalise les foules juvéniles et empêche le stationnement des voitures de mamans d'élèves venant chercher leur progéniture à la sortie des cours. C'est que la situation est grave et que la menace terroriste plane sur tous les lieux on l'on se rassemble pour la bonne cause. Le plan Vigipirate est donc appliqué avec vigilance. Voire avec excès. Mais il faut bien rassurer les retraités des environs, au moins ceux qui coulent des jours paisibles dans les résidences réservées à cet effet et qui souhaitent aller faire leurs courses au Super U voisin. Car ils le font chaque jour et  sans prendre le risque de participer à l’explosion d'un djihadiste enthousiaste las de vivre dans la promiscuité avec des infidèles. Chacun a ses raisons et certains arguments, radicaux, ne sauraient être discutés raisonnablement.

             Mais la jeunesse est insouciante et rien ne  l'empêchera de venir s'ébattre. Si les skates sont un peu passés de mode, les patinettes les remplacent efficacement. L'endroit est donc envahi de cohortes de bambins manipulant avec brio des trottinettes de tailles et de conformations variées. Qui aurait pu prévoir jadis que ces sympathiques moyens de locomotion réapparaîtraient au top de la modernité ?

             Beaucoup font leurs premiers pas et s'essayent d'abord timidement puis avec de plus en plus d'assurance. Enfin ils deviennent des pros et enchaînent les glissades et prennent leur élan pour remonter les pentes sans efforts. L'inertie et la vitesse acquise les font jaillir toujours plus haut, toujours plus loin. Tellement qu'il peuvent s'affranchir de l'obstacle et libérés du pesant support exécuter des salto d'abord simples, puis doubles puis complexes. Mais il y a des limites à tout et les installations locales ne permettent guère plus. Pour faire des sauts périlleux doubles avec retournement il faudrait pouvoir prendre un peu plus de vitesse. Ce n'est pas grave, les acharnés et les perfectionnistes iront voir ailleurs, quand ils ne seront plus en 6° ou pour les attardés encore en 5°.

             D'ailleurs la chose est frappante et me laisse toujours perplexe. C'est que les acteurs ne vieillissent pas. Ce sont toujours les mêmes gamins de 11 ou 12 ans, avec les mêmes silhouettes juvéniles  que l'on retrouve d'année en année à la rentrée des classes. C'est comme les étudiants qui défilent pour protester contre la dernière réforme inique des universités et qui au fil des années ont toujours le même âge. Échappant à la loi implacable ils ne vieillissent pas. Tout au moins pour l'observateur qui les voit de loin brandissant des pancartes identiques ou scandant des slogans déjà bien rodés par leurs ainés. Mais les exaltés d’hier ont eu le temps de se calmer à part quelques irréductibles. Cohn Bendit est toujours vivant et quelques vieux syndicalistes ne veulent  pas encore lâcher le morceau.

             Mais tout cela me replonge dans ma jeunesse. L’été j’étais à la campagne où je sillonnais les rues du village sur mon vélo. Pas question de faire du patin à roulette, l’état des  rues non goudronnées ne le permettait pas et par ailleurs la simplicité du matériel confinait au rustique. Les roulettes étaient en ferraille massive et aucun amortisseur ne venait adoucir le contact direct avec un sol très raboteux souvent inondé de flaques boueuses. Mais la bicyclette avait des pneus caoutchoutés, gonflables, ce qui pouvait entraîner la crevaison fatale. Accident difficile à réparer sur le tas. Il fallait alors revenir à pied en traînant le vélo jusqu’à la maison familiale où mon grand-père qui avait fait 14 et en avait vu d’autres se chargeait de réparer les dommages. D’abord il utilisait les démonte-pneus puis avec une grande conscience il recherchait le trou en gonflant la chambre à air avant de la plonger dans une cuvette pour voir d’où les bulles surgissaient. Cela permettait ensuite d’extraire le clou ou toute autre cause de fuite. Enfin on arrivait à la phase cruciale, la pose de la rustine. Après grattage du caoutchouc et application de dissolution on pouvait coller la pièce rapportée. Enfin le test ultime consistait à regonfler et plonger la chambre dans l’eau de la cuvette pour voir si tout était bien obturé et si aucune bulle suspecte ne s’obstinait à apparaître sournoisement.

             Mais sans doute tout cela vous rappelle-t-il quelques souvenirs personnels. Je vais donc m’arrêter là en vous laissant à vos pensées nostalgiques du bon vieux temps passé. Profitant de cette occurrence les générations montantes vont pouvoir continuer à venir s’ébattre sous mes fenêtres tout occupées qu’elles sont à se fabriquer des souvenirs inoubliables pour plus tard. Chacun son tour me direz-vous ! Bien sûr et c’est ainsi que le monde perdure et que les traditions subsistent par-delà tous les bouleversements de notre monde qui n’en finit pas d’innover.

 

                                                       Le Chesnay le 25 mars 2016

                                                       Copyright Christian Lepère

 

"Jardin enchanté" - Huile sur toile - détail - 1992

"Jardin enchanté" - Huile sur toile - détail - 1992

Attention!

La prochaine fois 

nous aborderons des choses

sérieuses...

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