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1 août 2015 6 01 /08 /août /2015 20:31
"La tribu" - huile sur toile - 46 x 38 cm - 1987

"La tribu" - huile sur toile - 46 x 38 cm - 1987

Bicentennial man  

 

 

             J'avoue m'être laissé piéger. C'est qu'il faisait chaud et lourd et qu'aucune amélioration n'était prévue aux informations. Alors j'ai zappé. Après les turpitudes habituelles me voici sur Arte et c'est le début d'un film de science-fiction « Bicentennial man ». Je vais me laisser faire et le voir pour la seconde fois. C'est que la première m'avait laissé perplexe et en tout cas m'avait interpellé dans mes profondeurs les plus obscures.

             L'histoire est simple. Un brave homme achète un robot  pour aider son épouse dans les tâches ménagères. On lui livre la chose  et toute la famille se trouve réunie autour du nouveau venu. Les réactions sont diverses, attirance, admiration mais aussi méfiance, peur et sentiments inavouables. L'ambivalence est à son comble. Le côté humain tellement bien imité et des comportements d'une précision électronique font du robot un serviteur fidèle. Serviable jusqu'à l'excès sa devise est : « L'on est heureux de pouvoir servir ». Il est admirablement programmé.

             Autour il y a des humains qui ne peuvent s'empêcher d’anthropomorphiser, surtout quand ils sont d'un âge tendre. « Petite fille » et « Grande fille » ne vont pas s'en priver. La plus âgée va même tenter de se débarrasser de l'intrus en lui demandant d'ouvrir la fenêtre, puis de se pencher...Ce qu'il fait obligeamment n'y voyant pas malice. Un peu plus tard il va frapper à la porte d'entrée en bien piteux état. Cabossé, sali, plein de tics informatiques et de dégradations de logiciels qui le font ressembler à un vieillard atteint de Parkinson.

             Mais rien n'est simple et très vite l'androïde va sembler s'attacher à ses maîtres. Attentif il saisit leurs états d'âme et souhaite combler tous leurs souhaits. Il n'est pas programmé pour mentir...sauf si un pieux mensonge est ressenti comme un moindre mal. Son éthique est plus fiable que celle de bien des humains.

             Mais c'est une sorte de mutant. Ses désirs outrepassent ses limites mécaniques. Sa programmation a des failles et laisse la place à des improvisations. Tel un enfant il prend conscience du monde et de lui-même. Il est en train de s'humaniser en développant ses capacités diverses. Il se lance dans le bricolage, la réparation d'objets, la fabrication d'artefacts dont les qualités esthétiques surprennent évidemment. Le voici qui commence à gagner de l'argent ce qui nécessite un compte en banque...Le chef d'entreprise, responsable de sa fabrication pense que ces facéties sont dues à de petits  défauts de programmation, des insuffisances de logiciels et qu'on pourrait y remédier facilement par un peu de chirurgie électronique. Mais l'intéressé ne l'entend pas de cette oreille. Son avocat  non plus !

             Soutenu par plusieurs membres de la famille qui l'ont intégré et le ressentent comme un proche, si ce n'est un semblable il va finir par avoir envie d'être libre. Oui mais libre de quoi ? C'est la question…

             Pendant ce temps la vie s'écoule. Les humains vieillissent suivant les lois biologiques. Certains meurent et notre robot croyant retrouver « Petite fille » qui est devenue grand-mère entre temps se retrouve avec la représentante de la 3ème génération. Mais les jeux de la ressemblance génétique  font qu'il va s'attacher à cette nouvelle version désormais plus vraie que l'ancienne. L'art et l'esthétique vont faire maintenant partie de sa vie, puis les passions humaines et l'amour, même physique.

             Il faut dire qu'entre temps il a rencontré un chercheur génial qui a poussé l'étude de la robotique jointe à des recherches en biologie expérimentale au point de pouvoir conjoindre les deux. Petit à petit Andrew va se retrouver pourvu d'organes, donc de sensations, d'affects, voire de sentiments avant de se voir vivre dans un corps biologique complet. C'est de la science-fiction me direz-vous ! Certes ! Mais quand même...A l'heure qu'il est au moins deux hommes ont vécu pendant un certain temps avec un cœur artificiel. Il est vrai qu'en sens inverse nos ordinateurs n'ont pas encore d'yeux ou d'oreilles qu'on pourrait leur tirer quand ils ne sont pas sages. Et encore moins d'organes vitaux qui viendraient assouplir leur rigueur mathématique. Mais au train où vont les choses  on peut se demander ce que nous réservent les chercheurs de pointe qui de toute façon tenteront tout ce qui peut être tenté. Par exemple insérer des puces électroniques dans le cerveau ? C'est fait ! Ou permettre aux neurones de commander une main artificielle ? Pas de problème ! C'est déjà du passé. Alors ?

             Mais si ce film m'a marqué profondément c'est parce qu'il pose des questions ultimes. « Qui suis-je ? » demandait Ramana Maharshi. Ou plutôt «  Que suis-je ? ».

C'est ce qui préoccupe ce brave Andrew. Après avoir voulu passionnément devenir humain pour pouvoir partager sa vie avec la compagne chère à son cœur, voilà qu'il est confronté au problème basique. Elle est mortelle et lui ne l'est pas. La fin du film approche. Pour assumer son destin il ne lui reste plus qu'à devenir biodégradable. Son ami bricoleur de haute technologie bio électronique a aussi la solution qui lui permettra de vieillir et de se dégrader en même temps que celle qu'il accompagne. Pour faire bonne mesure la cour suprême va enfin lui reconnaître un plein statut humain. Il va donc pouvoir s'éteindre paisiblement juste avant son âme-sœur qui n'a plus aucune raison de s'attarder.

             C'est la fin du film. C'est la fin d'une histoire inventée à l'origine par Isaac Asimov. Fictive autant qu'on veut mais peut-être plus vraie que les infos de notre chaîne favorite. Car la fable peut nous en apprendre long sur ce qu’on n’est pas. Mais ce à quoi l’on croit dur comme fer parce qu’on nous a formatés dans ce but, croire aux vérités conventionnelles rassurantes et aux apparences que nul ne saurait discuter.

                                                                                                                            

                                                                  La Brosse Conge le 17 juillet 2015

                                                                  Copyright Christian Lepère

   

"La tribu" - détail

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A bientôt

pour une nouvelle rencontre

estivale!

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