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30 octobre 2012 2 30 /10 /octobre /2012 08:15

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                       "Boddhisattva compatissant" - huile sur toile - 73 x 60 cm - 1994

 

 

 

PAPY  FREUD

 

              Papy Freud est un brave homme. Né à une époque de triomphalisme scientiste il a eu l’immense mérite de poser des questions qui fâchent. L’époque n’était pourtant guère propice, l’homme considéré comme une créature raisonnable et civilisée devait pouvoir maîtriser ses instincts et n’utiliser ses pulsions qu’à bon escient. Tout ceci afin de faire bonne figure en société.

              Parfait. Mais la bête en nous réclamant quand même son dû, il ne restait plus qu’à se rabattre sur une juste guerre ou une révolution salutaire  si ce n’est sur la propagation dynamique des bienfaits de la civilisation pour éviter des débordements condamnables dans les contrées civilisées. Cela devait évidemment s’appliquer à tous, par souci d’humanité, fussent-ils des brutes sauvages survivant dans la forêt vierge. Et vivant comme des bêtes.

              Papy Freud était donc un pionnier. Avec courage et acharnement il n’hésita pas à aller explorer les profondeurs, farfouiller dans les méandres du subconscient et y traquer les horreurs qui s’y cachent. Tout cela dans le but certes louable de guérir des malades. Car les maladies psychiques, déjà graves en elles-mêmes sont tout aussi néfastes pour le corps biologique que pour le corps social.

              L’ambition était donc de permettre à quelqu’un qui fonctionnait mal  de retrouver le fonctionnement ordinaire jugé plus sain. (Mon Dieu, j’allais dire politiquement correct…Excusez moi, je me reprends…). Donc, en un mot, on soignait un ego malade pour en faire un ego sain. Ou à peu près, la perfection n’étant pas de ce monde.

              Pendant ce temps, comme tout ceux dont la tête dépasse de la foule Papy Freud avait attiré des élèves. (Mon Dieu, j’allais dire « disciples », je me suis arrêté à temps.) Plus jeunes, donc plus souples, bénéficiant des découvertes de leur illustre prédécesseur, il était normal qu’ils allassent plus loin. Ils ne s’en sont pas privés et l’histoire a pu continuer. D’ailleurs Papy l’avait bien dit lui-même : «  Il faut tuer le père pour devenir adulte. »

              Tout cela est bel et bon, cependant il faut quand même rappeler que Papy Freud n’a pas vraiment innové. Il a retrouvé à grand peine et en payant de sa personne ce que tout un chacun un peu sage savait depuis belle lurette. Je veux dire depuis les aurores de l’humanité. Toujours il y a eu des sages. Toujours ils ont poussé l’investigation vers les profondeurs de l’âme humaine. Et toujours quelques uns d’entre eux ont découvert l’ultime profondeur du monde et de l’humain. Les plus en vue ont été le Bouddha et le Christ mais la liste serait longue de tout ceux qui arrivés au même niveau se sont discrètement laissé oublier, n’ayant plus besoin de se justifier aux yeux de quiconque. Ce qui était aussi le cas du Bouddha qui ne prit la parole pour enseigner qu’après avoir été amicalement sollicité par des dieux amis.

              Venons en au vif du propos. Papy Freud est un thérapeute. Il se doit donc de soigner l’âme. Ce qu’il fait  très consciencieusement. Mais il lui manque un petit quelque chose un peu négligé à l’époque et ce n’est  pas du tout de sa faute. De quoi peut-il s’agir ? De Dieu ? Il est mort ! Nietzsche a fait le nécessaire. Mais on fait encore semblant d’y croire ne serait-ce que pour maintenir un ordre social. L’opium du peuple est encore  utile. Quelques dictateurs vont encore en avoir besoin. Ce serait cruel de les en priver.

              Alors quoi ? Voilà le mot est lâché : la transcendance. Et c’est un mot terrifiant parce qu’instantanément il remet l’homme à sa place. Le maître du monde, l’orgueil de la création redevient subalterne. Utile, certes et même un peu indispensable, il n’est plus qu’un maillon de la chaîne et l’on se demande parfois si il n’est pas le plus faible…

              L’homme n’est donc plus tout à fait maître de son destin (désolé Jean-Paul c’est pas de ma faute ! (C’est de Sartre qu’il s’agit…). La nouvelle est mauvaise  et elle a encore bien du mal à faire reconnaître sa véracité en ce vingt et unième siècle délirant où l’humanité très fière d’elle- même est en train de se suicider en sciant la branche sur laquelle elle est perchée.

              Le puzzle s’assemble. Le texte prend corps. D’abord Freud redécouvre le subconscient. Il soigne des névroses. C’est un peu comme si il renforçait la coquille de l’œuf, je veux dire de l’ego, car c’est elle qui va permettre à l’embryon de poulet de croître en toute sécurité. Jusque là tout va bien. Mais va surgir un petit problème : la période d’incubation terminée le poussin arrivé à maturité doit impérativement s’échapper de la coquille. Après avoir été une protection celle-ci devient un piège mortel. Comme le ventre maternel. Il faut maintenant s’en évader pour affronter le vaste monde. Si la comparaison est valide, la conclusion est simple. Devenus adultes, il nous reste l’essentiel à accomplir. Il nous reste à nous ouvrir de toutes parts pour accueillir la transcendance. Car elle ne peut évidemment pas se conquérir. Un peu d’humilité est ici nécessaire. Comment s’emparer de ce qui nous dépasse et nous contient ?

              Comme il se doit la réponse nous a été donnée depuis fort longtemps. Trois mille ans ? Quatre mille ? Et au fait, à Lascaux ils n’étaient pas déjà au courant ? En fait elle a toujours été la même, il n’y a plus qu’a renoncer à ses prétentions paranoïaques, à accepter sa place dans la nature, à tenir compte de lois naturelles incontournables. Parlerais-je d’écologie ? Le mouvement est bien le même. On ne réalisera sa propre nature profonde, totalement transcendante, qu’en acceptant ses limites et en tenant compte de tout le reste dont nous faisons partie intégrante.

              Si ceci est vrai, il reste à le mettre en pratique et c’est une tout autre paire de manches…Mais enfin, même si c’est long, même si c’est ingrat  et parfois décevant il faut y aller, sortir de la coquille ou y crever.

              Alors merci Papy Freud de nous avoir indiqué la direction et de nous avoir aidé à descendre les premières marches qui conduisent à la cave. C’est à partir des bas-fonds que l’ascension peut commencer. Un jour, depuis la terrasse nous pourrons contempler le ciel et, qui sait sauter dans le vide enfin « lâcher prise » comme disent nos amis zen.

 

              Et maintenant, paix à ton âme, même si toi tu n’y croyais pas.

 

                                                           Le Chesnay le 22 août 2012

                                                           Copyright Christian Lepère

 

                585-La-bande-a-Bonnot-73-x-.jpg

                            "La bande à Bonnot" - huile sur toile - 73 x 60 cm - 2010

 

 

LA SEMAINE PROCHAINE

 

En grande exclusivité vous aurez enfin la réponse à :

« Oui, mais quelle est la question ? »

En attendant pas d’inquiétude,

tout est sous contrôle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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