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6 mars 2019 3 06 /03 /mars /2019 09:22
"Cavalcade insensée" - Huile sur toile - 73 x 60 cm - 1990

"Cavalcade insensée" - Huile sur toile - 73 x 60 cm - 1990

Charles-Henry du Sorbier de la Roche-Pendue

 

 

 

           Il s’appelait Charles- Henry du Sorbier de la Roche-Pendue. Mais n’allez pas en déduire de futiles  subtilités obsédant un esprit tordu plein de suffisance. C’était en fait le plus simple des hommes. Car s’il n’était pas sot et possédait même de solides connaissances dans des domaines aussi variés que l’étude des coléoptères, y compris la forme de leurs articulations et leurs mœurs en période d’accouplement, il n’ignorait rien du chant polyphonique médiéval dans les abbayes cisterciennes.

           Vous l’avouerais-je, ses connaissances englobaient l’histoire de l’Empire Austro-hongrois et la syntaxe de plusieurs dialectes Bas Bretons. Mais ce n’est pas de cela que je veux vous entretenir. Car mon esprit répugne à des frivolités de ce genre.

           Cependant, et avant toute chose, je dois vous préciser que s’il était issu d’une haute lignée et aurait pu prétendre à plus de reconnaissance de la part d’un vain peuple, il n’en restait pas moins ouvert et affable, simple et discret. Comme ses ancêtres les plus illustres il n’avait pas la grosse tête, bien que ceux-ci eussent perdu la leur sous le couperet de la guillotine. Ce qui est injuste et scandaleux mais était alors à l’époque constaté comme  nécessaire et inévitable pour que les choses bougent et que l’histoire progresse. Dieu merci les coutumes ont changé et le prolétaire accueille le descendant du ci-devant avec gentillesse pourvu qu’il joue avec lui au loto et paie sa tournée avec bonhomie.

           Bien que noble il n’en était pas moins homme et savait honorer le beau sexe comme il se doit. Mais les temps ne sont plus ce qu’ils furent. C’est donc sur internet qu’il avait recherché l’âme sœur. Hélas les sites spécialisés étaient d’un niveau affligeant. Il fallait répondre à des questionnaire et cocher des cases pour permettre aux algorithmes de faire de savants calculs en tenant compte de paramètres aléatoire  et de coefficients pondérés permettant par élimination progressive de trouver enfin la créature idéale qui ne soit ni trop, ni pas assez… mais cependant incluse dans la fourchette  des désidératas du chercheur qu’il était.

           Après bien des errances sur la toile et avoir épuisé les possibilités de Facebook il s’était rabattu sur du plus traditionnel. Il avait pris le métro. Et c’est là au détour d’un couloir, à Barbès –Rochechouart à l’occasion d’un changement de ligne qu’il avait rencontré Ginette. Ginette qui ? Je ne sais plus trop : Dubois ? Duval ? En tout cas pas de la Roche- Pendue ou d’ailleurs. Cependant elle était charmante et c’est en suivant du regard son déhanchement chaloupé qu’après avoir failli se prendre les pieds dans une pauvresse qui avait faim et dont la frêle silhouette  bouchait le passage, il avait retrouvé son équilibre, repris ses esprits et avait continué de suivre la silhouette de Ginette dont il ignorait le patronyme.
           C’est ainsi qu’ils se retrouvèrent sur le même quai, dans la même direction. Comme prévu la rame était bondée. Par malchance il se retrouva pris en étau entre un gros type assez patibulaire et deux jeunes étourneaux pas très grands mais ne lui bouchant pas trop la vue. Car le destin n’est pas si mauvais et lui accordait de voir celle dont il ignorait le nom à une distance faible mais non compromettante. Car Charles-Henri ne se serait jamais permis de l’accoster autrement que de face. Ainsi il put se réjouir les yeux d’une chevelure d’un blond vénitien  descendant en vaguelettes et rebonds jusqu’à une chute de reins discrète mais suggestive. En prime il pouvait même apercevoir le lobe de l’oreille qu’elle avait fine et ourlée.

           C’en était fait de lui. Conquis et subjugué il ne put que la suivre quand elle descendit à St Lazare. Mais ils n’étaient pas seuls. Autour d’eux une foule compacte tentait de s’échapper du labyrinthe souterrain en tournant dans des couloirs, montant des escaliers et cherchant la sortie pour se précipiter vers les départs de trains franciliens dotés de tout le confort que le progrès nous offre avec prodigalité.

           C’est là qu’elle s’arrêta jouant des coudes pour se rapprocher du panneau lumineux où s’inscrivaient les départs et les numéros de voie. Autour c’était la foule, multiple et bigarrée. Grand brassage humain d’une diversité confondante où se côtoyaient les grands, les petits les gros, les chauves et les barbus, tous sexes entremêlés et confondus. Et tout cela grouillait en cohortes incessantes, débarquant des rames où se précipitant pour jouir d’une place assise.

           Charles-Henry était derrière elle. Fasciné il la vit chercher sa direction. Alors il constata que ce n’était pas en vain que le destin les avait réunis. Oui elle allait bien à Bécon les Bruyères …et lui aussi. Devant ce signe du destin il se senti blêmir mais n’oublia pas de composter son billet car il eut été malséant de se voir dresser contravention pour un motif aussi futile. D’ailleurs qu’aurait-elle pensé de l’hurluberlu capable d’un tel oubli ? Mais j’extrapole car elle ne le connaissait pas encore. Les présentations n’avaient pas été faites. Ce n’est pas comme dans un club de rencontre ou d’emblée vous savez que le beau jeune homme qui vous fait face a bac +2 et passe ses vacances à Ibiza pour se muscler les pectoraux en jouant au volley sur la plage. D’ailleurs il n’était pas si jeune que ça et sans être cadre supérieur il avait terminé ses études.

           Enfin le train partit et les stations s’égrenèrent, Pont Cardinet, Asnière sur Seine et enfin Bécon les Bruyères. Alors il descendit. Elle fit de même. Ils suivirent la même direction jusqu’à l’arrêt du bus et c’est là qu’il constata qu’il était un peu tard et que lui adresser la parole dans ces conditions aurait pu engendrer bien des malentendus. Alors il se ravisa et se tint coi. D’ailleurs ce n’était que partie remise car il avait toutes les chances de la revoir sur ce parcours qui lui était familier. C’est ainsi qu’il rentra chez lui pour s’y reposer mais dans son cœur brillait l’espoir d’une suite infiniment souhaitable et digne d’estime. Et comme il avait de l’instruction il se remémora ce dicton de sagesse ancienne qui nous assure que « demain est un autre jour ». Ce qui est vrai pour les Anglais et sans doute aussi pour nous.

                                                                                              A suivre

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"Cavalcade insensée"

n'a pas été choisie par hasard,

tant il est vrai que les faits les plus menus et les plus anodins

peuvent révéler ce qui se cache dans les ultimes profondeurs du plus paisible

de nos concitoyens  quand bien même il se nommerait "Charles-Henry du Sorbier de la Roche Pendue"!

 

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