398 - insatisfaction rhédibitoire

Crépuscule flamboyant - huile sur toile

Insatisfaction rédhibitoire

           Tout chancelant et vacillant il s’éloignait au bout de la rue, clopin-clopant sans trop d’aplomb.

           Pourtant il faisait beau et la nature explosait en vertes frondaisons. Tout à l’entour et dans les squares des massifs de fleurs bariolées exultaient ou se tenaient cois dans la douceur d’une ombre propice. De doux oiseaux perchaient leur joie de vivre ou s’élançaient en spirales sans cesse renouvelées. Ils escaladaient le ciel pour en revenir en un long vol plané d’une merveilleuse précision. Puis se reposaient paisiblement avant de rejaillir à nouveau.

           Mais il était bien las. Pourtant sa santé était bonne si  ce n’est quelque petits inconforts qui font que l’on se sent exister et qui assurent que ce n’est pas qu’un rêve. Il n’avait pas d’affliction récurrente ni de handicap qui lui aurait donné l’occasion de maugréer. Il avait aussi bon pied, bon œil et était même épargné d’un excès de bien-être, Excès qui peut se métamorphoser en son contraire quand il ne semble pas assez justifié.

           Non, décidément tout allait bien. Pourtant il était triste, comme si quelque chose d’essentiel lui eut manqué. Bien sûr sa douce amie n’était pas à ses côtés mais ce n’était que partie remise en attendant qu’un T.G.V. véloce ne la lui ramène. La cause était donc plus profonde, plus cachée dans de sombres recoins

           On connait bien ce spleen, ce vague à l’âme qui vous investit et vous ronge avec une douceur déchirante. Et c’est parce que tout va bien, qu’on aurait bien tort de se plaindre et qu’on n’a nulle raison de se faire sans passer pour un insatisfait chronique. Un qui est toujours mécontent et à qui rien ne peut suffire. Vous lui promettriez la lune qu’il ne saurait s’en contenter. Ni des vacances de rêve sur les rivages paradisiaques de la mer Egée, ni l’exaltation de Machu-Pichu au soleil couchant, Ni la promotion sociale la plus exaltante aux plus hautes marches du pouvoir permettant de regarder de haut un Donald Trump qui n’est après tout que président des Etats-Unis d’Amérique. C'est-à-dire l’homme le plus puissant, mais d’une planète modeste au sein d’un univers incommensurable et en expansion…

           Il en était donc là de ses vaines pensées, si vaines d’ailleurs qu’elles se faisaient de jour en jour plus discrètes, de jour en jour plus anémiées et commençaient à cesser de l’importuner. Alors faisons lui confiance. Peut-être un jour parviendra-il au par-delà. Peut-être un jour aura-t-il le bon goût de s’effacer pour laisser à la splendeur du monde le droit de rayonner dans toute son évidence et sa splendeur absolue.

                                                                  Le Chesnay le 11 Mai 2018

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Mais le monde est infiniment vaste et fantasque.

Allez donc savoir où il nous entraîne

dans sa course

exaltée.