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15 mars 2016 2 15 /03 /mars /2016 09:16
"Vol de papillons" - huile sur toile - 61 x 50 cm - 1988

"Vol de papillons" - huile sur toile - 61 x 50 cm - 1988

Petits potins du quotidien

 

            Le fond de l'air était frais mais l'atmosphère ensoleillée. De doux rayons tamisés par un léger brouillard vous réjouissaient l'âme  et assouplissaient vos articulations guettées par un soupçon d'arthrite sournoise. C'est d'un pas assuré et maniant d'une main ferme sa poussette de marché qui le suivait docilement qu'il se dirigeait vers le supermarché tout proche. C'est qu'on a à assurer sa survie et qu'il faut faire le nécessaire pour fournir à un corps un peu trop sollicité tous les nutriments indispensables à sa régénération ! L'esprit a ses exigences mais la biologie a besoin de sa ration de protéines et d'oméga 3.

            C'est la fin de semaine à moins que ce ne soit le début du week-end. Tout dépend de votre look, un peu plan- plan et familial ou audacieusement orienté vers une modernité plus cool si ce n'est délibérément branchée. Avez-vous après le dur labeur envie de vous évader et de vous élancer vers les champs neigeux alpins ? Ou au contraire de partir vers votre résidence secondaire en Normandie ou dans le Perche? Tout dépend de votre statut, cadre moyen ou supérieur, ou technicien de surface immigré assurant sa mission de maintien de la propreté au Super U.

            Peut-être préférerez-vous rester « at home » et profiter du repos dominical en vous canfouinant devant la télé pour y zapper à l'aise en vous gobergeant de menus plaisirs buccaux arrosés ou non de petites bières. Les meilleurs, je veux dire les plus dignes de considération, vont aussi en profiter pour se cultiver la tête. Outre quelques bons vieux films au charme nostalgique tout nimbé de noir et de blanc vous pourrez voir sur Arte les dernières innovations de l'Art Contemporain finissant de mettre à bas ce qui subsiste encore des idéologies désuètes hostiles à la modernité la plus incontournable.

            Enfin tout le monde va recharger les batteries avant de replonger dans le dur combat de de la vie active, sur fond d'emploi précaire, de convulsions économiques et de conflits sociaux à n'en plus finir.

            Mais toutes ces considérations indispensables sur la complexité de la situation ne sauraient nous faire oublier celui qui nous y a amené. Il est donc là traînant sa poussette ce qui n'est pas si facile puisque, son nom l'indique, elle est conçue pour être poussée. C'est évident qu'on ne l'a pas appelée une « traînette ». Pourtant ce serait plus en accord avec son efficacité pratique.

            Mais voici que vient à sa rencontre un vieux copain. Un copropriétaire de base, aussi ancien que lui dans la résidence, un ancien bien incrusté dans le décor. Traînant la patte, accablé par son arthrose, il chemine aussi avec sa petite carriole. Ses emplettes terminées il rentre chez lui, là où l'attend son épouse, guère plus véloce et tout autant blanchie sous le harnais. Ce sont de braves gens, pas pointilleux, plutôt ouverts car ils en ont vu d'autres. Alors, bon mal an, clopin-clopant ils s'acheminent vers la fin de leur histoire sans en faire tout un plat.

            Il s'arrête un moment pour échanger l'indispensable « Alors ça va ? »  suivi de l'inévitable « On fait aller... ». De là on peut affiner un peu les vues sur l'immédiat et élargir le dialogue vers des sujets plus vastes et conviviaux. Que penser des fuites d'eau sur les canalisations souterraines ? Et de la construction d'une nouvelle résidence pour le 3ème âge assisté ? Ah ! bien sûr le maire fait ce qu'il veut. Il a autorisé la construction du Temple National Mormon sur le territoire communal. A la place de logements sociaux d'ailleurs très discutés. Songez quel type de population ils auraient attiré ! Que du superflu, du pas rentable ! Au moins les adeptes de « l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers jours » ont les moyens d’assurer. D’ailleurs le bâtiment est en béton extrêmement solide et paré d’un revêtement de pierre très Grand Siècle. De quoi satisfaire les sensibilités les plus classiques et ne pas déparer le Domaine Royal.

            Après ces menus échanges ils vont se séparer. Et tout à coup c’est la panique. Au moment de dire au-revoir il ne se souvient plus du nom de son interlocuteur. Pourtant c’est un vieux copain sur qui il pourrait narrer bien des anecdotes. Oui mais voilà il manque l’essentiel de l’état-civil. Ça vous est sans doute déjà arrivé et c’est fort gênant mais l’ordinateur cérébral a de ces petits dysfonctionnements quand le courant ne passe pas ou qu’un logiciel pirate en perturbe un autre. Ce n’est pas Alzheimer. Ce n’est pas de la démence. Ce n’est pas grave mais cela montre à quel point nos câblages neuronaux sont à la merci de minuscules variations de potentiel. A quel point cela dépend de la chimie la plus fine, d’échange d’électrons baladeurs et sans doute de causes encore plus subtiles au niveau quantique. Dieu merci l’expérience le prouve c’est passager. En étant cool et en pensant à autre chose on va permettre au logiciel de recherche d’accomplir sa mission. Il va pouvoir inspecter les données, les analyser et trouver un autre chemin d’approche pour enfin cerner l’information et la ramener triomphalement sur la scène. Et tout est là dans cette investigation. Ce n’est pas le souvenir précis qu’on a perdu mais l’accès à cette donnée indispensable. En fait rien ne disparaît véritablement. C’est simplement comme si l’on avait perdu la clé de l’immense bibliothèque où tous les volumes figurent bien alignés sur leurs étagères.

            Cela veut-il dire que rien ne disparaît jamais véritablement ? Après tout ça se pourrait. D’ailleurs c’est le fonds de commerce de la psychanalyse. Tout ce qui est refoulé s’enfouit dans les profondeurs pour ressurgir bien après dans les moments les plus inopportuns. Tout ce qui est aimé et apprécié également mais les conséquences en sont plus sympathiques. Alors gardons-nous bien de nous affoler. Tout ce qui a eu lieu a eu lieu…et c’est définitif. Irrévocable diraient les pessimistes et autres pisse-vinaigre. A nous d’en assumer les conséquences ou si vous préférez, de faire avec. Ce qui n’empêche pas d’envisager que «  demain est un autre jour » et qu’il sera grand temps de se remettre en route pour de nouvelles aventures comme disait Tintin le petit reporter.

 

                                             Le Chesnay le 29 février 2016

                                             Copyright Christian Lepère 

"Vol de papillons" - détail

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Restons dans le quotidien

mais

en cherchant

à y voir plus clair...

"Ambivalence problématique"

vous en dira

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