« A la recherche du temps perdu »
par Nina Companeez
J'avoue m'être encore laissé piéger. Après avoir allumé la télé j'ai zappé sur Arte. Dans l'étrange lucarne voici que sont apparues des images qui me séduisent. Harmonieuses, équilibrées, parfaitement adaptées, elles ont le charme désuet d'un passé cher à Marcel Proust. Les couleurs sont subtilement nuancées. Ce ne sont qu'harmonies de beiges, de gris bleutés, de brun Van Dyck, de jaune de Naples et de blancs savamment déclinés. Du beau travail en vérité et parfaitement adapté au propos. Il s'agit d'une série réalisée par Nina Companeez et qui s'intitule tout simplement « A la recherche du temps perdu ».
J'ai lu jadis cette œuvre fleuve ou tout au moins les parties qui me semblaient essentielles. Car j'avoue ne pas toujours m'être vautré avec délices dans les complexités psychologiques de la noblesse et de la haute bourgeoisie qui fleurissaient encore en 1900. Mais c’est tout le paradoxe. Comment dans cette époque encore lourdement conventionnelle où l'on avait du mal à appeler un chat un chat, ces gens cultivés, bardés de références, sûrs de leur fait et de leurs prérogatives arrivaient-ils à vivre leurs passions ? Car ils y arrivaient, avec toutes les conséquences dramatiques ou loufoques que cela implique.
Par chance un témoin était là, posté aux aguets et se trouvant impliqué dans les méandres des conventions. Voici donc au premier plan le narrateur. Grand jeune homme un peu pensif encore plein d'illusions mais doté d'une intelligence et d'un sens de la subtilité assez exceptionnels. Un peu oisif comme il se doit, ne s'étant pas encore consacré à l'élaboration de son œuvre, le voilà qui se retrouve au Grand Hôtel de Cabourg. Face à la mer infiniment changeante et à ses états d'âme soumis aux variations atmosphériques et aux rencontres inévitables. Car nous sommes dans un monde de convention où tout est réglé par l'étiquette et les obligations convenables. Par ce qui se fait et par ce qui est grossièrement inopportun.
Le narrateur va donc vivre sa jeunesse. Voir disparaître sa grand-mère qu'il aimait tant. Se laisser fasciner par la petite bande de jeunes filles en fleurs qui font la nique aux conventions pesantes et se permettent des fou-rires irrévérencieux en sautant les barrières ou en rendant visite à un peintre impressionniste majeur mais qui est resté si simple…
Il va aussi rencontrer des personnages plus étranges ou simplement plus ambigus. Le jeune Robert de Saint Loup va devenir son ami. Puis il aura des démêlés avec le très contourné baron de Charlus, monstre d'ambivalence habité par un orgueil délirant et se complaisant dans la déchéance mais avec noblesse.
Il va aussi admirer jusqu'à la déraison la duchesse de Guermantes et tout faire pour connaître son monde aristocratique qui lui paraît si mystérieux. Jusqu'au jour où il va être invité dans le Saint des Saints par son idole et réaliser que tout cela est beaucoup plus plat, anecdotique et convenu que ce qu'il avait rêvé avec exaltation.
Le voilà donc qui petit à petit retombe de haut, réalisant à quel point il s'est menti à lui-même en se concoctant de grandes passions amoureuses, puis en les voyant s'éteindre sans bruit comme les fleurs qui se fanent.
Tout cela est bien connu, surtout depuis que Proust nous l'a montré. C'est ce qui fait qu'à la fin du premier film j'ai éteint la télé. La seconde partie allait commencer séance tenante mais j'avais eu ma ration d'esthétique et de turpitudes. Et puis la suite je la connaissais. D'ailleurs ce qui m'intéresse véritablement c'est l'aboutissement ou comment un certain Proust, Marcel de son prénom a réalisé une percée métaphysique non négligeable avec l'aide bénévole de sa petite madeleine ou en trébuchant sur les dalles disjointes de l'église Saint Marc à Venise. Ou comment un snob un peu fat a découvert ses propres profondeurs qui sont aussi sans doute les nôtres.
La Brosse Conge le 31 juillet 2015
Copyright Christian Lepère
Temps estival !
Mais ne ferait-il pas un peu chaud?
Et les normales de saison sont-elles bien respectées
au moins selon la moyenne statistique?
La question se pose !
Mais comme disait tonton Raymond
un oncle à moi :
"Tout ça n'est pas suivi..."
Et c'est parfois bien ennuyeux !
Enfin
pas d'affolement
on verra bien après le 15 août...