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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 08:13

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                                                             "Le temps qu'il fait" - huile sur toile - 65 x 54 cm

 

 

JE ME SOUVIENS  (première partie)

 

                 Je me souviens de ce temps gris, plombé comme le mur d’en face d’une arrière cour parisienne, triste et trop long comme des jours qui n’en finissent pas. Pourtant j’étais jeune et j’avais obtenu ce que j’avais souhaité. Bien sûr, mais sait-on vraiment ce que l’on veut ?

                 Débilité par un enseignement secondaire où j’avais l’impression d’apprendre de l’inutile, je continuais de me réfugier dans mes rêves. A dix ans j’avais émis un souhait un peu étrange pour Noël. A ma mère j’avais demandé si il ne serait pas possible de me faire offrir le premier volume d’une histoire de l’art vue dans la vitrine de la devanture qui faisait face au lycée Voltaire. C’est là que je passais chaque jour pour me rendre dans les lieux de savoir et de discipline. Et à chaque fois je m’arrêtais, fasciné par un visage de femme hiératique et morcelé par la mosaïque qui le composait. S’agissait-il de Théodora, impératrice de Byzance ou d’une de ses suivantes ? Peu importe, mais c’était beau et mystérieux. En se penchant on apercevait au dos du volume une vierge de Van Eyck. La noblesse étrange peinte avec la minutie et le raffinement de l’inventeur de la peinture à l’huile me faisait rêver.

                 Je parvins donc à me  faire offrir le premier tome où je découvris Lascaux, le Sourire de Reims et la Victoire de Samothrace… en attendant le second volume où se tenaient l’art de la Renaissance et les premières incongruités de l’art moderne, accompagnées il est vrai  de quelques chef-d’oeuvres d’Afrique et de  Polynésie que l’on n‘admirait pas encore en tant qu’Arts Premiers mais à qui on reconnaissait une certaine spontanéité si ce n’est des qualités dignes de les faire voisiner avec les merveilles de l’art occidental civilisé.

                 C’est à cette époque que j’ai commencé à diversifier mon inspiration. Jusque là cantonné dans les Mickey, Minnie et autres Trois Petits Cochons je m’employais à célébrer ce qui m’enthousiasmait avec les moyens du bord. Crayon et aquarelle. Mais déjà la créativité émergeait avec la création de dioramas e t de cartes dépliantes… J’allais jusqu’à agrandir démesurément une carte postale  où des flots déchaînés  se lançaient à l’assaut de la pointe du raz sous un ciel échevelé. Mais mon ambition était sans limite et je m’attaquais désormais à de plus vastes sujets. La Joconde était un défi. Je m’y attaquai donc. Avec un crayon à papier, une gomme et du papier Canson. Après des heures d’effort patient le résultat était d’une justesse assez photographique. Je faisais de l’hyper réalisme sans le savoir et mes parents étaient contents. Ils pouvaient montrer ça aux amis et à la famille.

                 Un caractère plutôt timide et renfermé m’avait amené à collectionner les timbres avec passion. J’étais fasciné par ces petites vignettes multicolores qui, issues des quatre coins du monde et ornées de sujets aussi divers que variés peuvent vous donner le sentiment d’être, non pas le maître du monde, ce qui est quand même pathologique au yeux des gens  «  normaux »  mais tout au moins d’en maîtriser la représentation symbolique. Ce qui est tout à fait satisfaisant puisque là au moins on ne prend pas le risque d’être contesté par des jaloux.

                 Après la simple collection, il me fallait pour affirmer mon pouvoir passer à la réalisation d’albums. A nouveau le papier Canson me vint en aide et avec acharnement je me mis à tracer des cases susceptibles d’accueillir mes timbres. Comme il se doit le tracé devait être impeccable, le nombre et la taille savamment calculés. Enfin j’y passais le temps nécessaire, négligeant sans doute d’autres priorités, ce qui plaisait moins à la famille.

                 Enfin je réalisai le fantasme suprême : faire des timbres moi-même. Non pas en créer de nouveaux, mais au moins reproduire ceux qui à mes yeux étaient particulièrement admirables. C’était l’époque où tous les timbres français étaient gravés sur acier, donc d’une finesse inégalable. Un matériel adapté était alors indispensable. Un porte-plume à dessin et des encres de couleur ou plutôt de l’aquarelle convenaient amplement. Je me mis au travail et très vite le résultat fût convaincant. Seule une observation à la loupe pouvait révéler que le nom du graveur auteur de la vignette avait été remplacé par le mien. Pour les dents du timbre il me fallait les ciseler avec des ciseaux à ongle, ciseaux polyvalents qui me permettaient aussi bien, à l’occasion, de découper dans du papier mince un squelette de dinosaure admiré dans le dictionnaire.

                 Ma principale réussite philatélique fût à l’époque une reproduction fidèle de la cathédrale de Quimper, de couleur violette et que je réussi à m’expédier à moi-même, la récupérant ainsi avec  l’oblitération de la poste qui fait foi…

                

                                                                                A suivre…

                                                                       copyright Christian Lepère

 

 

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                                    "Fête commémorative" - huile sur toile - 73 x 60 cm

 

                

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