Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 septembre 2012 7 16 /09 /septembre /2012 07:55

195-Course-folle-------------------65-x-54-cm.jpg

                                  "Course folle" - huile sur toile - 65 x 54 cm - 1992

 

L’essentiel est de participer

 

              Jean-Paul est fier, il vient de faire caca tout seul dans son pot. Tout seul ! C’est maman qui va être contente. Surtout si l’on pense que dans vingt cinq ans après avoir progressé, fait face à des défis et des opportunités, il sera champion du monde de saut à la perche. Faisant rêver la jeunesse il s’élancera dans une course victorieuse, tel les chevaliers d’antan dans les joutes médiévales, sa perche pointée résolument vers l’avenir.

              D’un seul coup d’un seul il se propulsera vers les hauteurs ultimes. Une détente fulgurante du bassin aux épaules, un coup de rein prodigieux, un instant de grâce presque immobile et il pourra se laisser retomber épuisé et ravi sous les acclamations. Ensuite il n’aura plus qu’à attendre patiemment l’avenir  qui lui ménagera bien d’autres occasions de se remonter le moral. Et puis un jour, dans son fauteuil roulant, affligé d’un Parkinson persistant il essaiera de se remémorer les jours glorieux. Mais son Alzheimer lui évitera d’avoir la grosse tête.

              En définitive les choses sont bien faites et le cours de la vie équilibré. La nature est plus raisonnable qu’il n’y paraît. Passons à autre chose…

              Par nature je suis plutôt contemplatif et porté sur la solitude. Depuis tout petit je bricole dans mon coin. C’est mon droit et j’en abuse. Ainsi en a décidé le code génétique inscrit dans mes chromosomes. La loi est dure mais c’est la loi.

Il y a donc des obligations auxquelles on ne peut se soustraire. C’est bien beau d’être un individualiste forcené mais il faut quand même négocier avec ses contemporains. Alors je regarde un peu la télé.

              Ces temps derniers c’étaient les Jeux Olympiques de Londres. Spectacle grandiose, mondial et planétaire emportant dans un enthousiasme collectif bien légitime des dizaines de millions de téléspectateurs et rapportant des sommes considérables aux rusés organisateurs, sponsors et assimilés, sans parler des médias.

              Mais l’important c’est de participer, de communier à cette Grand Messe enivrante. Toutefois les choses étant ce qu’elles sont et les Dieux du stade restant humains (les déesses aussi, pardon…) on a pu se livrer à quelques remarques.

              D’abord ils l’avouent tous, même sans être soumis à la torture, la médaille d’or c’est quand même mieux que le bronze. Et dépasser les autres d’une tête sur le podium justifie quelques menus efforts. Et puis on va pouvoir verser une larme en entonnant la Marseillaise.

              Une incurable absence de sensibilité me prive de ces délices et à ma grande honte je dois avouer que la platitude musicale du morceau jointe à la criminalité des propos qui y sont tenus me laisse mal à l’aise. Peut-être que dans le genre on n’a jamais fait mieux bien que, évidemment, je ne connaisse ou ne comprenne pas les hymnes nazis ou les chants révolutionnaires chinois. Sans doute sont-ils encore plus efficaces et porteurs d’enthousiasme. Plus peut-être que le délicieux « God save the Queen ».

              Toute médaille, même d’or, a son revers. Que restera-t-il du super champion d’aujourd’hui  dans vingt ans, si il est toujours vivant et en bonne santé ? Je me suis laissé dire que dans l’ensemble les anciens maillots jaunes du Tour de France avaient tendance à mourir plus jeunes que la moyenne et parfois dans des conditions peu satisfaisantes. Sans aller jusqu’à supposer qu’ils ont mis leur santé en danger en absorbant des substances illicites, on peut se demander si ils ont bien fait attention à mettre leur laine quand le temps fraîchissait ?

              Autre chose retient mon attention devant le poste. D’abord le destin est versatile et les plus grands champions connaissent des déboires, des moments creux. Parfois les vaches sont maigres. Qu’importe, la roue de la fortune va tourner ! Mais il arrive aussi un moment, de plus en plus tôt dans ce monde moderne trop pressé où il va falloir raccrocher. Atteint par la limite d’âge il, faut rentrer dans les coulisses ou devenir entraîneur. Mais c’est parfois bien amer. Ainsi une escrimeuse, championne bien sympathique, se présente aux J.O. avec un moral gonflé à bloc. Ses précédentes victoires sont indéniables, ses médailles nombreuses. Elle est là pour terminer en beauté. Et ne voila-t-il  pas qu’elle se fait éliminer en quart de finale. Même à la télé son accablement est patent. Foudroyée par un sort injuste elle sort avec dignité. Mais pour d’autres…Se prendre le pied dans le premier obstacle d’un cent mètres haies, être disqualifié par un faux départ, n’être que secondes parce que les juges ont préféré les nageuses espagnoles aux chinoises (ou l’inverse). Allez donc savoir pourquoi…Les ont-ils trouvées plus mignonnes ou ont-elles été victimes d’une discrimination raciale subtile ? Eux aussi ont un subconscient et un surmoi fort nuisibles pour l’objectivité rigoureuse. Allons, ça fait partie du jeu même si il est mondial et olympique ! Et à ce petit jeu, bien qu’on ne puisse le reconnaître sans passer pour un fou mégalomaniaque, chacun des athlètes, chacune des médaillées ne fonctionne qu’avec un seul moteur. Unique. L’affirmation de sa toute-puissance. Oui mais il s’agit de gens exceptionnels qui peuvent prétendre être au dessus du lot, qui vont entrer dans la légende. Que non braves gens, il n’y a pas d’autre motivation chez les autres dont je fais partie. C’est flagrant dans les cours d’école à la récré et ça l’est partout dans le particulier comme dans le collectif. Chaque nation est la meilleure, chaque parti est le seul à avoir raison. L’empereur de Chine siège dans la Cité Interdite, Centre du Centre du Royaume qui est le plus puissant d’Asie et qui est entouré de terres plus ou moins inconnues et peuplées de sauvages. J’exagère ? Je m’égare ? Non, quand même, pas le voisin retraité du gaz qui va taper la belote avec ses copains. Pas la ménagère de moins de cinquante ans qui demande à son compagnon sur son portable si les pâtes Panzani sont plus bio que les Lustucru ? Pas la petite fille timide qui fait pipi dans sa culotte parce qu’elle est terrorisée à l’idée d’oser demander à la maîtresse la permission ? Et Pourtant… toutes les petites filles sont des princesses et demandent  « Dis moi mon beau miroir quelle est la plus belle ? » Et tous les petits garçons seront des héros défiant Goldorak après le Grand Méchant Loup.

              Donc tous, même les vieillards cacochymes et les jeunes pleins de promesses atteints par un plan social inique. Tous vous dis-je ! Sans exception ! Tous. Mes semblables, mes frères.

              Venus de l’absolu, ce qui est mieux que le néant d’où surgissent les philosophes existentialistes, nous ne pouvons avoir qu’un seul désir, ô combien légitime : y retourner. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire durer ? Alors on invente d’innombrables stratégies et l’on fait semblant de chercher l’Absolu, mais dans le relatif. Ce qui, outre que c’est idiot, nous condamne à une quête incessante. Et là, ça devient carrément maladroit.

              Mais, si vous ne l’avez déjà fait, allez donc au cinéma voir  « le Seigneur des Anneaux ». Il paraît que c’est un conte pour enfants. C’est très bien pour se changer les idées. Sans cela allez aussi voir Harry Potter, peut-être que vous trouverez des similitudes avec votre propre cas. Mais n’allez pas dire que c’est de ma faute.

 

                                                                           Le Chesnay le23 août 2012

                                                                           Copyright Christian Lepère

325-Joyeux-enfants-de-la-B-.61-x-50-cm.jpg

 "Joyeux enfants de la Bourgogne" - huile sur toile - 61 x 50 cm - 2000 

 

 

Prochain sujet

            Ce sera la suite en quelque sorte puisqu’il y sera question de « Moi et la toute puissance ».

                     Pas d’affolement. On se calme !

                                                                   A bientôt

              

Partager cet article
Repost0

commentaires