Schizophrénie créative (2)
Passons maintenant à l’élaboration de l’œuvre. Le professeur d’Arts Plastiques que j’étais dispensait aux enfants de sages conseils indiscutables d’un point de vue logique. Les incitant à s’exprimer librement dans le cadre d’un thème, je leur conseillai vivement de toujours commencer par un schéma, une ébauche ou une esquisse. Ensuite de prendre du recul dans le temps et dans l’espace. De regarder leur feuille à l’envers ou dans une glace pour la voir sous un angle inattendu et y déceler ce qui ne correspondait pas à leur intention. Tout cela n’empêchant pas de modifier le point de départ et de le réorganiser, bien au contraire, car une œuvre authentique se réalise rarement du premier coup, quelle que soient les qualités du premier jet. J’en profite pour rappeler que la merveilleuse spontanéité des peintures chinoises on des estampes japonaises est le résultat d’un entraînement acharné et d’une technique maîtrisée par une longue pratique. Rien à voir avec les dessins d’enfants qui sont très spontanés, très rudimentaires techniquement et beaucoup plus stéréotypés qu’on ne veut bien l’admettre. C’est comme l’instinct animal qui va imposer à un petit chat toutes sortes de cabrioles et de contorsions qui n’ont rien d’individuel mais font partie du répertoire de l’espèce. Car, faut-il le redire, un chat est un chat.
Je peux maintenant vous parler de la façon dont je procède. C’est assez simple, même si le résultat ne l’est guère. D’abord des idées me viennent, des fantasmes surgissent, parfois le jour, parfois la nuit…J’ai donc l’idée d’un sujet, ou en général de plusieurs car rien n’est simple. Souvent je commence par ébaucher un personnage. A ce stade je devrais en ébaucher d’autres pour faire une scène cohérente. Eh bien non ! Je vais plutôt le préciser, retravailler son mouvement, pas pour le rendre forcément plus vraisemblable, mais plutôt plus expressif, jusqu’à la caricature. Ensuite je rajoute d’autres éléments : personnages et objets, obéissant plus à l’enchaînement des formes et aux ressemblances graphiques qu’à la cohérence du sujet. Ce sujet étant d’ailleurs en évolution permanente et pouvant se contredire lui-même par la loi du balancier des contraires. Je joue beaucoup des opposés-complémentaires. Ainsi la représentation violente de deux lutteurs en proie à une fureur démente et cherchant à s’étrangler mutuellement peut m’amener à compléter avec une mère berçant tendrement son enfant ou un couple nu s’étreignant avec fougue. Tout cela pour rappeler que la nature humaine est totalement contradictoire et que l’on passe de la passion amoureuse à la haine meurtrière de façon naturelle suivant le jeu des circonstances.
à suivre
La contrée s'endort doucement
et sombre en silence
dans le vide
hivernal.
Plus
un
bruit
Les vaches
continuent à brouter
inlassablement, comme toujours.
Elles attendent le retour des beaux jours enfuis.