L’errant et la minette
Suite et fin
Donc elle allait. Après avoir contourné un sdf qui obstruait le plus court chemin pour accéder à la boulangerie elle s’était offert une petite gâterie. Oh ! Trois fois rien… Un petit pain au chocolat encore tout chaud de la dernière fournée. Puis elle était ressortie non sans avoir payé son dû en menues piécettes jaunes. Ensuite elle avait à nouveau évité le sdf qui quémandait un ticket restaurant et se répandit en remerciements quand elle lui mit dans sa main un billet qu’elle avait pris pour un prospectus plié en quatre dans sa poche de blouson. Trop tard le geste était commis.
En sortant de la boutique elle faillit heurter un grand gaillard qui s’engouffrait. C’est qu’après avoir déambulé de par les rues encombrées Nathanaël avait ressenti une petite faim et venait se sustenter. Il contourna le sdf et ressorti peu après en se pourléchant d’une barre chocolatée pleine d’énergie revigorante. D’Hermeline il ne restait plus trace, du moins identifiable car elle avait laissé tomber négligemment l’emballage de son petit pain, preuve irréfutable de son passage. Mais parmi les mégots jonchant le trottoir ça restait assez discret.
Poursuivant son chemin Nathanaël poursuivit en direction de la rue de Seine. D’un œil critique il lorgnait du coin de l’œil les vitrines des galeries exposant des œuvres réputées artistiques. Il y avait de tout sans oublier le reste et parmi cette profusion certaines choses lui agréaient. C’eut été tout différent pour Hermeline qui n’en avait cure et n’appréciait que le calendrier des postes. Et encore parce que son facteur lui en avait aimablement proposé un orné de petits chats dans une corbeille et qu’il avait les yeux bleus et une petite boucle d’oreille discrète mais pleine de sous-entendus sur les contraintes de la censure morale qui nous gâche la vie. Et cela plaisait à son âme rebelle
C’est sur le trajet du retour que nos deux amis, mais qui ne l’étaient pas l’un pour l’autre se croisèrent à nouveau. La rencontre eut lieu, cette fois sur un passage pour piéton. Exalté notre héros s’était précipité pour aider une vieille dame chancelant sous le poids de son cabas plein de choses indispensables à sa survie mais fort lourdes et il avait glissé sur une épluchure, victime de la négligence d’un irresponsable qui l’avait jetée là. A quelques mètres d’une corbeille, ce qui en dit long sur la dégradation morale des gens et contre laquelle Marine, peut-être future présidente de nos destinées hexagonales nous met en garde inlassablement. D’ailleurs le fautif qui avait disparu était originaire de contrées au-delà des mers…
Mais je n’insisterai pas car Hermeline choquée par la violence de la scène avait détourné le regard et évité d’entrer en collision à son tour. Déjà Nathanaël s’était relevé. La vieille dame était confuse mais sauve. L’épisode était clos. La rencontre n’avait pas eu lieu.
Je crois bien que d’autres occurrences se sont ensuite présentées. On ne peut pas fréquenter la même ville, fut-elle capitale sans finir par se croiser à un moment ou à un autre. Mais à chaque fois le destin s’est montré contraire. Jamais il n’a daigné réunir deux âmes tellement différentes mais qui auraient fort bien pu se compléter comme deux névroses qui s’équilibrent et se compensent. Nathanaël a fini par rencontrer une intellectuelle surdiplômée experte en concepts abscons. Et adepte des outrenoirs de Soulages qui, faute d’être stimulants sont tout au moins d’un grand repos pour l’œil et favorisent sans doute la méditation transcendantale quand elle est pratiquée sous forme de relaxation informelle.
Hermeline pour sa part a bien vécu. Ses ambitions n’étaient pas trop grandes et son surmoi relativement fréquentable ne lui faisait pas honte de ses penchants simples et naturels. Cela lui a permis de travailler dans une grande surface sans s’y perdre et de gravir les échelons avec aisance. Elle attend maintenant la retraite et si rien de fâcheux n’intervient elle pourra y arriver. C’est tout ce qu’on peut lui souhaiter. En attendant je vais vous saluer avant de me retirer pour reposer en paix. Alors faites de beaux rêves en attendant demain qui est un autre jour et dont nul ne sait ce qu’il nous réserve.
Le Chesnay le 16 février 2017
Copyright Christian Lepère
Mais
Je ne voudrais pas retenir votre attention
avec des futilités
alors
que le sort de la France
pour ne pas dire son avenir est en train de se jouer
sur les écrans de nos téléviseurs et de nos smartphones en des luttes fratricides implacables!