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13 octobre 2015 2 13 /10 /octobre /2015 07:40
"Opéra comique" - huile sur toile - 46 x 38 cm - 1990

"Opéra comique" - huile sur toile - 46 x 38 cm - 1990

Nos amies les bactéries         

 

             J'émerge d'un  rêve étrange et d'un pas chancelant je vais préparer mon petit déjeuner. Des graines finement moulues, de la banane, du citron et de l'huile de colza. Le tout malaxé et additionné de corn flakes dans une boisson chaude. Ensuite je laisse reposer et pour cinq minutes je peux jeter un coup d’œil à la télé. Sait-on jamais ?

             Sur Arte c'est un documentaire sur les profondeurs du corps humain et tout ce qui s'y passe à notre insu. Car notre organisme, composé d'honnêtes cellules qui accomplissent leur tâche en bonne entente et réussissent, bon an mal an, à nous maintenir en vie a besoin d'aide. Des milliards de bactéries, virus et autres y font le nécessaire. Et si certains sont néfastes, voire criminels, d'autres coopèrent jusqu'à devenir indispensables.

             Ainsi notre digestion ne pourrait se faire sans leur présence. La perte de notre flore intestinale nous condamnerait à périr d'inanition et ce dans les plus brefs délais. Mais voilà que j'en apprends de belles. Les virus qui ont si mauvaise réputation et dont on se méfie à juste titre ne sont pas tous hostiles. Certains sont même au fil des âges devenus indispensables. C'est qu'ils ont réussi à s'intégrer jusque dans la structure en spirale de notre A.D.N. Autrement dit au sein du sein de notre identité la plus inaliénable. Et pourtant ils l'ont fait ! Il est vrai que d'autres micro-organismes ont réussi à se rendre indispensables jusqu'au cœur des cellules du vivant, participant à leur métabolisme. Ainsi les mitochondries qui assurent l'apport énergétique de la cellule et qui sont d'anciens organismes étrangers qui les ont envahies il y a deux milliard d'années, tout en conservant leur propre A.D.N. ! A partir de ces faits troublants on peut se poser des questions sur notre propre identité biologique, déjà bien malmenée par les greffes d'organes.

             Mais j'en reviens aux virus. Non contents d'avoir squatté notre propre A.D.N., ils sont devenus indispensables. Quand un ovule fécondé entreprend de devenir un futur être humain pour la plus grande joie de papa et maman, il est quand même un étranger. Avec un code génétique différent de celui de ses géniteurs il devrait être impitoyablement rejeté par l'organisme maternel. C'est qu'il n'est ni conforme ni réglementaire. Le système immunitaire devrait lui régler son compte vite fait et faire disparaître les traces du délit. Mais il y a dans le corps des « sanctuaires » où il ne peut intervenir. C'est comme dans les églises du Moyen-Age  ou le pire criminel pouvait trouver asile et échapper momentanément au bras armé de la justice. Et cela est dû aux virus endogènes qui dorment inactifs dans le génome et peuvent reprendre du service pour activer des fonctions inattendues. Admettons-le ! Ces traîtres infiltrés nous sauvent la mise en déjouant les procédures ordinaires. Ce qui est quand même assez sympa !

             D'une infinie complexité, d'un enchevêtrement  incroyable, notre corps biologique, grossier et biodégradable, n'est pas aussi unitaire que ça. Cette entité n'en est pas vraiment une, même si elle fait illusion au premier abord.
             Mais au fait notre âme, je veux dire notre psychisme, n'est-il pas formé de la même manière ? Avec en plus une subtilité beaucoup moins palpable. Nous voudrions tellement nous prendre pour des objets fixes, stables et rassurants auxquels on pourrait dresser une statue au Père Lachaise après un décès toujours injuste et prématuré. Nous sommes tellement enclins à nous prendre pour notre biographie réelle ou fantasmée.

             En réalité nous sommes une collection de tendances et de caractéristiques. Certaines étant codées dans l’A.D.N. et à nous transmises par nos géniteurs directs ou plus lointains. Ainsi on peut avoir les moustaches de son arrière-grand-père ou une tendance au surpoids qui aurait menacé une tante éloignée dont on ignore tout. De la forme des sourcils à la passion pour le chocolat praliné un tas de détails nous ont été légués à notre insu. Et il arrive même que certains caractères n'apparaissent que tardivement, sans crier gare, même après l'âge de la retraite qui est pourtant celui d’un repos bien mérité. Enfin n'oublions pas l'éducation et l'exemple donné par nos aînés, ainsi que le formatage médiatique qui viennent introduire toutes sortes de principes et de concepts qui n’ont rien à voir avec notre nature biologique programmée.

             Voilà c’est dit, nous sommes complexes et ambivalents et contradictoires. Comme notre propre corps que de zélés chercheurs sont en train d’étudier de façon de plus en plus fine avec leurs microscopes à balayage électronique et leurs analyses aidées par les prodigieuses capacités de calcul de nos supers ordinateurs.

             Mais petit à petit l’âme et le corps se rapprochent. Déjà des chercheurs soumettent des méditants bouddhistes à des expériences de laboratoire en garnissant leur crâne d’électrodes d’un effet décoratif très contemporain mais certainement efficace pour la détection de réalités subtiles. Et de nouvelles pistes de recherche apparaissent. On voit ainsi apparaître des flux nerveux, des polarisations, des transferts d’influence de synapse en synapse, des zones d’activation dans le cortex ou dans l’amygdale. Et tout cela nous branche sur  l’hyper complexité de la matière qui n’est jamais que de l’énergie qui tourne en rond. Je délire ? J’extrapole ? Le risque n’est jamais nul de se dorer la pilule ou de prendre sa vessie pour une lanterne. Comme disait Francis Blanche, incorrigible mauvais plaisant mais qui savait si bien nous divertir. Alors par pitié ne me faites pas confiance. Allez-y ! Vérifiez ! Arte et Wikipédia vous attendent sur vos médias favoris. Et il y en a bien d’autres…Le monde se déploie sous nos yeux pour le meilleur et pour le pire. A nous de choisir, il est encore temps.

 

                                                               Le Chesnay le 30 septembre 2015

                                                               Copyright Christian Lepère

 

                                       

"Opéra comique" - détail

"Opéra comique" - détail

 

La prochaine fois je vous dirai

"Pourquoi faire simple?"

(quand on peut faire compliqué)

 

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